La mutualité : une belle histoire (Partie III)
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Texte M2 (En-tete) La mutualité partie 3
La mutualité : une belle histoire
Partie 3 : De 1945 à nos jours
Si aujourd’hui, la Mutualité semble être un acteur de la protection sociale parmi d’autres, elle en a été le pilier, voire même l’origine dans les siècles passés. Depuis l’entre-deux guerre et jusqu’à nos jours, les mutuelles n’ont cessé de se réinventer afin de rester au plus proche des besoins de leurs adhérents, et ce malgré les obstacles. Poursuivons notre voyage dans le temps…
Le bouleversement de la Sécurité Sociale
Comme nous l’avons vu dans la partie II de cette « saga » consacrée à la Mutualité, la création de la Sécurité Sociale a bouleversé le paysage de la protection sociale et donc celui des mutuelles.
Le bouleversement de la Sécurité Sociale
Inscrite dans le programme du Conseil National de la Résistance de mars 1944, la Sécurité Sociale vise à « assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se procurer du travail (…) ». La couverture sociale est ainsi généralisée à toutes les personnes et à tous les risques, exception faite du chômage, et est gérée démocratiquement par les représentants des travailleurs, au travers des syndicats, pour les deux tiers, et du patronat. C’est l’avènement de la démocratie sociale.
Mais cette avancée majeure dans le monde de la protection sociale ne va pas sans créer de l’inquiétude dans la Mutualité qui, alors qu’elle était en position dominante dans la gestion des assurances sociales, se retrouve exclue même si elle n’est pas totalement oubliée par le dispositif.
Les sociétés de secours mutuel, rebaptisées sociétés mutualistes, sont transformées en organismes de prévoyance libres et complémentaires auxquels sont confiées « des missions d’entraide dans la prévention des risques sociaux, de leurs réparation, d’encouragement de la maternité, de la protection de l’enfance et de la famille, du développement moral, intellectuel et physique de leurs membres ». La Mutualité ne prend donc plus en charge que les dépenses santé non couvertes par le régime obligatoire.
Cet amoindrissement de leur rôle pousse, dans un premier temps, les mutuelles à être vent debout contre la Sécurité Sociale et à organiser, notamment, des campagnes d’affichage pour dénoncer une gestion froide, bureaucratique et totalitaire de la protection sociale des Français !
Le tournant de 1947 : l’apaisement des relations avec la Sécurité Sociale
Le 25 février 1947, la Mutualité conclut un accord avec la Fédération Nationale des organismes de Sécurité Sociale : tout groupement mutualiste de plus de 100 adhérents peut être habilité à jouer le rôle d’agent local d’information et de correspondant assurant la constitution des dossiers et le paiement des prestations. La Sécurité Sociale, quant à elle, s’engage à ne pas intervenir dans l’assurance maladie complémentaire. La Mutualité s’affirme ainsi comme le partenaire privilégié de la Sécurité Sociale.
L'arrivée de la concurrence
L’arrivée de la concurrence
Pendant près de trente ans de prospérité économique et de plein emploi, les mutuelles exercent leur monopole en matière de complémentaire santé, sans réelle concurrence de la part d’autres acteurs comme les sociétés d’assurance.
C’est entre les années 1970 et 1980 que le champ de la complémentaire santé s’ouvre complètement aux trois acteurs : mutuelles, sociétés d’assurance et instituts de prévoyance. Avec la crise du premier choc pétrolier de 1973, la Sécurité Sociale connait des crises financières à répétition et fonctionne de déficit en déficit ! Les mesures d’économies se traduisent par de moindres remboursements du régime de base et donc un champ supplémentaire pour la complémentaire santé, ce qui attise les convoitises des sociétés d’assurance et des instituts de prévoyance. La législation européenne qui s’applique aux mutuelles a aussi fortement contribué à la montée de la concurrence des Instituts de Prévoyance et des assureurs. Le législateur décide d’organiser ce marché désormais devenu fortement concurrentiel.
Loi Évin, nouveau code de la Mutualité, normes européennes… un séisme pour les mutuelles
La loi Évin de 1989 avait pour objectif de protéger le consommateur contre la sélection des risques et d’établir une concurrence loyale sur le marché de la complémentaire santé. Mais elle a aussi entériné l’intervention de ces acteurs sur le marché de la complémentaire santé même s’ils ne répondent pas à la même logique. Solidarité et non-discrimination en fonction de l’âge ou de l’état de santé pour les mutuelles, logique commerciale pour les sociétés d’assurance.
En 2001, c’est le code de la Mutualité qui subit une profonde refonte. Il renforce notamment les instances dirigeantes dans les mutuelles, crée un statut de l’élu mutualiste et renforce les exigences prudentielles et financières ainsi que le contrôle des activités mutualistes. La réforme du code de la Mutualité bouleverse profondément le paysage mutualiste avec une accélération du processus de concentration des mutuelles. Les petits groupements ne peuvent plus faire face aux exigences de cette nouvelle législation qui s’articule aujourd’hui avec la transposition des directives européennes et notamment de Solvabilité II. Aujourd’hui, les mutuelles se trouvent soumises à un corpus de règles commun aux autres organismes assureurs. Elles doivent également se soumettre aux mêmes règles prudentielles et comptables et se voient imposer un contrôle sur leur gouvernance, identique à celui imposé aux autres entreprises d’assurance.
Le régulateur national, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), a désormais l’obligation de veiller à ce que les membres du conseil d’administration de la mutuelle, élus par ses adhérents et parmi eux, respectent des critères d’honorabilité et de compétence. Enfin, alors même qu’elles sont des sociétés privées à but non lucratif ne rémunérant pas d’actionnaires, elles sont soumises à l’impôt sur les sociétés et doivent acquitter une taxe spéciale sur les conventions d’assurance d’un montant identique à celui des assureurs. Petit à petit, le statut des mutuelles perd de sa spécificité et les contraintes qui leur sont imposées pèsent de plus en plus sur leur avenir.
Si aujourd’hui les mutuelles protègent 35 millions de Français, il est plus que jamais indispensable qu’elles réaffirment la spécificité de leur modèle solidaire et non lucratif afin de survivre et de continuer à protéger ceux qui seraient laissés de côté par les assureurs.
Chiffres
☛ Chiffres
- 15 000 mutuelles en 1950
- 1 300 mutuelles en 2005
- 500 mutuelles en 2017
- 369 mutuelles en 2020 (dont 87 mutuelles substituées) relevant du livre II du Code de la Mutualité (source ACPR)
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Un mouvement qui résiste
Un mouvement qui résiste et continue de se développer
Cette résistance aux mesures visant à l’anéantir est due à l’échec du projet d’assistance des révolutionnaires à destination des vieillards, des infirmes, des indigents et des veuves et orphelins en raison d’une insuffisance de moyens financiers. Mais aussi à la naissance, au XIXe siècle et en même temps que la Révolution industrielle, d’un mouvement ouvrier. Il devient important de répondre aux besoins de ces nouvelles classes sociales, à leurs conditions de vie difficiles, sans recours face aux principaux risques de l’existence.
Les pouvoirs publics renoncent donc à poursuivre les sociétés de secours mutuel – qui continuent d’œuvrer dans la clandestinité –, mais en limitent le rayonnement, l’activité… mettant en place un vrai système de contrôle.
La mutualité sous contrôle
Napoléon III adopte en 1852 un décret qui organise le mouvement mutualiste en lui octroyant un statut tout en le plaçant sous contrôle.
Les groupements mutualistes peuvent être approuvés par les autorités, ce qui leur permet de prétendre à des avantages matériels et financiers (placement de fonds à la Caisse des dépôts, bénéfice d’aides matérielles de la part des communes, gestion de patrimoine immobilier).
Cependant, la contrepartie de cet agrément est énorme !
Les groupements mutualistes doivent abandonner leur gestion démocratique : leurs présidents sont nommés par le Préfet ou par l’Empereur après une enquête de moralité. Ils doivent rendre compte de leur activité tous les ans auprès du ministère de l’Intérieur.
Malgré ces importantes contraintes, la mutualité continue de se développer et de se diversifier, notamment avec les premières œuvres sociales mutualistes.
Une vraie reconnaissance
En avril 1898, la législation impériale est abandonnée au profit de la Charte de la mutualité, qui reconnaît la particularité du mutualisme français et assouplit considérablement les contraintes de gestion des groupements mutualistes. C’est alors l’occasion pour le mouvement mutualiste de prendre de l’ampleur et de devenir un acteur indispensable de la protection sociale.
À la veille de la Première Guerre mondiale, 4,5 millions de Français bénéficient d’une mutuelle.